Théière
De la terre à l’infusion : petite histoire sur la théière..
Un mot façonné autour du thé
Si l’on devait désigner un objet où l'art du feu rencontre celui de la lenteur, ce serait sans doute la théière. Depuis des siècles, elle incarne bien plus qu’un simple récipient : elle raconte des traditions, des gestes, des savoir-faire — et pour nous, céramistes, une certaine idée de la beauté fonctionnelle.
Le mot “théière” apparaît en français au XVIIe siècle, en même temps que la boisson elle-même devient populaire en Europe. Il est formé sur “thé” (emprunté au néerlandais thee, lui-même issu du chinois tê, prononcé dans le sud de la Chine), auquel on ajoute le suffixe -ière, qui désigne un contenant (saladière, cafetière, poivrière…). Ainsi, la théière est littéralement "le récipient à thé".
La Chine, le berceau de la théière
L’histoire commence en Chine, dès le Xe siècle. Les premières théières sont façonnées dans le grès de Yixing, dans la province du Jiangsu. Ce grès poreux, non émaillé, est apprécié pour sa capacité à absorber les arômes du thé — chaque théière devenant ainsi unique, patinée par les infusions successives.
Ces pièces, sobres et robustes, sont pensées pour le thé en vrac, et accompagnent l’évolution de l’art du thé à la chinoise, fondé sur l’attention, le rythme lent, la répétition.
Avec les routes commerciales, la théière arrive en Europe au XVIIe siècle. Elle y change encore : elle se fait plus ornementale, souvent en porcelaine, notamment grâce aux manufactures comme Sèvres, Meissen ou Wedgwood. Elle devient un symbole de raffinement bourgeois — parfois plus décorative que pratique.
ThéCâlin - Théière Yixing Jing Lan
ThéCâlin - Théière Yixing Sutra du cœur XiShi
Thés et Traditions
Benoît LAMY - Maison Wabi Sabi - Théière en grès à bec large 100ml
Transmission et mutations
La théière voyage ensuite au Japon, où elle se transforme au contact de l'esthétique wabi-sabi. Là-bas, l’imperfection devient beauté, et la céramique exprime la simplicité, l’instant présent. On pense à la théière raku, aux formes irrégulières et aux cuissons rapides.
La théière aujourd’hui : entre rituel et création
Aujourd’hui, la théière reste un terrain d’expérimentation pour les céramistes du monde entier. Elle nous relie à un usage concret — celui du quotidien, du geste de verser — tout en offrant un terrain de jeu infini : galbée ou anguleuse, brute ou émaillée, miniaturisée ou généreuse…
Fabriquer une théière, c’est se confronter à une contrainte technique passionnante : penser le bec, le couvercle, la prise en main, la coulée du liquide, l’équilibre. Un défi d’ingéniosité, de précision… mais toujours d’émotion.
Grand Palais Rmn Photo - Théière, camaïeu pourpre